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L’effet placebo dans le sport

Environ 2000 mots - Temps de lecture estimé : 10 minutes.

Il n’est pas rare de voir certains sportifs adopter des pratiques parfois inhabituelles qui, d’après eux, seraient bénéfiques pour leur performance. Même les sportifs professionnels peuvent être concernés, comme le montre cette vidéo sur le cas de Novak Djokovic. Certaines de ces pratiques, parfois infondées, pourraient nous sembler efficaces uniquement parce que nous y croyons. Alors peut-on justifier n’importe quelle pratique sous prétexte que l’on obtient des résultats, même si c’est uniquement en raison de l’effet placebo ?

Points clés

▪ L’effet placebo fait en réalité partie d’un ensemble plus large connu sous le nom d’effets contextuels.

▪ Plusieurs études ont démontré l’effet placebo dans différents contextes, y compris celui du sport, même s’il en existe peu à ce sujet.

▪ Bien qu’il puisse améliorer les performances sportives, il ne doit pas être utilisé comme solution principale, mais plutôt comme un complément à des interventions éprouvées, afin d’éviter les dérives éthiques et les effets nocebo potentiels.

▪ Certaines études montrent que l’effet placebo peut persister même lorsque les individus sont informés qu’ils reçoivent un placebo, mais les données sont moins convaincantes lorsqu’il s’agit des pratiques sportives.

Comprendre l'effet placebo

Il n’existe pas de définition standard de l’effet placebo. Dans un cadre clinique, il désigne les effets bénéfiques que l’on peut attribuer au contexte dans lequel un traitement ou une intervention est donné au patient. Par définition, les interventions placebo n’ont pas d’effet thérapeutique direct sur le corps, contrairement aux bénéfices dus aux effets pharmacologiques ou physiologiques spécifiques, qui, eux, sont attribuables à l’administration d’une substance active. L’effet placebo peut également accompagner et renforcer l’efficacité des interventions dont les effets réels ont été démontrés (1,2).

En réalité, l’effet placebo fait partie d’un ensemble de phénomènes psycho-neuro-biologiques complexes connus sous le nom d’effets contextuels. Ce sont eux qui sont responsables de la magnitude de l’effet placebo et qui permettent donc de le modérer. Par exemple, dans le cadre de la prise en charge des atteintes musculosquelettiques, on peut citer les attentes, les préférences et les expériences passées du patient, la relation patient-soignant, la communication verbale et non verbale, ou encore l’environnement de soin. L’effet nocebo est le pendant de l’effet placebo, le terme “nocebo” venant du latin “nocere”, qui signifie “nuire”. Si l’effet placebo peut induire des améliorations, l’effet nocebo produit exactement l’inverse (3,4).

Pour évaluer l’effet placebo en recherche clinique, les chercheurs soustraient généralement l’effet global obtenu dans un groupe placebo à celui obtenu dans un groupe contrôle. Il est également possible d’évaluer l’effet propre (ou spécifique) d’une substance ou intervention en soustrayant l’effet global obtenu dans le groupe recevant cette substance ou intervention à celui obtenu dans le groupe placebo (voir figure 1). Quant aux effets observés dans le groupe contrôle, ils peuvent être liés à des phénomènes comme l’évolution naturelle des symptômes, la régression vers la moyenne et bien d’autres encore.

Figure 1. Quantification de l’effet placebo et de l’effet spécifique dans les études, par la soustraction des effets obtenus dans les différents groupes.

Dans une enquête rétrospective menée auprès de 79 athlètes de niveau national et international, 82% d’entre eux pensaient que les placebos pouvaient influencer leurs performances sportives. Plus de la moitié accepteraient d’ingérer une substance inconnue proposée par leur entraîneur, et 67% ne seraient pas dérangés s’ils découvraient qu’on leur avait menti en leur donnant un placebo à la place d’un composant actif, pour autant que celui-ci ait été efficace (5).

De manière générale, on estime que l’effet placebo dans la pratique sportive est faible à modéré, que ce soit pour l’ingestion de substances placebo (ES = 0,35) ou pour la réalisation d’interventions placebo (ES = 0,47) (6). En comparaison, l’effet propre de la caféine sur les performances d’endurance est moins important (ES = 0,26) (7). Toutefois, il convient de comparer ce qui est comparable : ici, l’effet placebo a été évalué par rapport à des groupes contrôles (et pour différentes substances), tandis que l’effet propre de la caféine a été comparé à des groupes placebo. En réalité, il faut considérer que la caféine offre un effet légèrement supérieur à celui d’un placebo.

Par souci de concision, nous n’allons pas tenter d’expliquer les mécanismes derrière l’effet placebo dans cet article. Pour cela, je vous invite à consulter cette vidéo (à partir de 21:57).

Peut-on se fier à l'effet placebo ?

Tout d’abord, il convient de répondre à la question : l’effet placebo existe-t-il dans le contexte de la pratique sportive ? A priori, oui !

Dans une étude récente, 31 hommes et 9 femmes ont été répartis en deux groupes : un groupe placebo, pour lequel les chercheurs ont informé les participants que leur programme d’entraînement avait été individualisé en fonction de leur profil force-vitesse, et un groupe contrôle où les participants ont simplement été informés que le but du programme était d’améliorer les performances. En réalité, les deux programmes étaient rigoureusement identiques. À l’issue du programme de 10 semaines, seule la 1RM normalisée (ratio kg soulevé/masse corporelle) au squat a augmenté légèrement plus dans le groupe placebo. Les autres mesures sont restées identiques dans les deux groupes (sprint, CMJ, etc.) (8). Toutefois, il faut interpréter ces résultats avec prudence car il s’agit d’une étude pilote qui, de plus, souffre de biais méthodologiques importants (avec, entre autres, un nombre important de drop-out non pris en compte lors de l’analyse statistique).

D’autres études sur les sportifs montrent des effets significatifs d’un placebo par rapport à un groupe ou une condition contrôle, que ce soit pour les sports de force ou d’endurance (9,10,11). Ainsi, on a pu observer des gains de plusieurs kilos (environ 45kg au total) sur différents mouvements (squat, développé couché, développé militaire et soulevé de terre) après l’ingestion d’une pilule placebo dont on avait dit aux participants qu’elle contenait 10mg de Dianabol (11), ou encore des gains de plusieurs secondes (environ 10s en moyenne) chez des coureurs expérimentés à qui l’on avait administré des injections placebo en leur faisant croire qu’il s’agissait d’une substance similaire à la rHuEPO (une forme synthétique de l’hormone érythropoïétine, ou EPO), connue pour augmenter l’hématocrite, et qui ont effectué des tests d’endurance sur une distance de 3 km (10).

Mais alors, devons-nous mentir à nos athlètes et fonder tous nos espoirs sur l’effet placebo ? La réponse courte est “pas vraiment”, pour trois raisons principales selon nous :

Premièrement, l’effet placebo ne permet pas toujours d’obtenir les résultats attendus et il est très difficile de le quantifier et donc de le manipuler en situation réelle (sur le terrain). Une utilisation plus prudente de celui-ci, et plus largement des effets contextuels, dans l’encadrement sportif serait de le considérer comme un catalyseur d’une intervention qui a déjà fait ses preuves. En d’autres termes, l’effet placebo devrait être utilisé pour soutenir une intervention éprouvée, plutôt que comme une solution principale ou indépendante.

Pourquoi ? Principalement pour des raisons éthiques : justifier toutes sortes de pratiques par l’effet placebo peut conduire à des dérives et à l’utilisation de méthodes peu, voire pas efficaces en première intention, alors que d’autres méthodes plus efficaces existent. Comme nous l’avons vu dans la partie précédente, la plupart des athlètes accepteraient qu’on leur mente sur la nature d’une intervention uniquement si cela produit des effets positifs (5). Il est possible que, dans le cas contraire, la relation coach-athlète s’en retrouve détériorée.

Si l’on reprend notre exemple, il se pourrait que la part des effets globaux de la caféine sur la performance sportive que l’on peut attribuer aux effets contextuels soit le résultat des croyances et des attentes selon lesquelles la caféine possède des effets ergogéniques (12,13). En conséquence, cela pourrait augmenter le niveau de motivation et d’implication à l’entraînement. Un exemple pour maximiser l’effet placebo ici pourrait être de ritualiser la prise de caféine 𝑥 minutes avant sa séance d’entraînement et de l’associer à des attentes positives. Évidemment, d’autres éléments doivent être considérés ici, comme la posologie et les effets secondaires, mais cela n’est pas l’objet de cet article.

Deuxièmement, il y a un risque non négligeable qu’un effet placebo devienne un nocebo en fonction du contexte (14). Par exemple, lors d’une période de progression, on peut parfois être tenté d’attribuer celle-ci à des détails mineurs qui n’ont probablement que peu d’importance et n’expliquent donc pas cette progression. En conséquence, si ces détails mineurs venaient à être modifiés, la progression pourrait ralentir, voire aboutir à une période de stagnation, car l’on s’est persuadé que ces détails étaient importants. Il faut donc faire attention aux informations que l’on véhicule afin d’éviter que ce genre de situation ne se produise. Cela peut être le cas pour des explications biomécaniques (lorsqu’un athlète a des croyances kinésiophobes, par exemple) ou pour des explications liées à la consommation de certains compléments alimentaires.

Enfin, la perception de la magnitude de l’effet placebo peut parfois être dissociée de l’effet réel (au moins partiellement). Par exemple, dans une étude pilote de Wechsler et al. (2011), des patients atteints d’asthme ont été assignés au hasard à un traitement avec un inhalateur d’albutérol, un inhalateur placebo, une acupuncture fictive ou aucune intervention. Sur les 39 patients ayant complété l’étude, l’albutérol a entraîné une augmentation de 20% du volume expiratoire forcé, contre environ 7% pour chacune des trois autres interventions. En revanche, les patients de tous les groupes, sauf ceux du groupe contrôle, ont rapporté avoir ressenti une amélioration située entre 45% et 50% (15). Malgré une amélioration plus importante avec le traitement actif (albutérol), les patients ont ressenti des effets similaires avec les interventions placebo et fictives.

L’effet persiste-t-il si l’on sait que c’est placebo ?

Cette interrogation revient souvent, et à juste titre. Pourquoi continuerait-on à observer des effets alors que l’on nous a informés que la substance ingérée n’est pas active ou que l’intervention proposée n’est pas reconnue pour être efficace ?

C’est ce que l’on appelle un placebo ouvert. En 2010, Kaptchuk et al. ont mené le premier essai contrôlé randomisé ayant comparé un placebo ouvert avec un groupe contrôle ne recevant aucun traitement. Cet essai concernait des patients atteints du syndrome du côlon irritable. Les résultats ont montré que, dans l’ensemble, les symptômes des patients du groupe placebo s’étaient améliorés de manière plus importante que ceux des sujets du groupe contrôle (16).

Très peu d’études existent à ce sujet en sciences du sport. L’une des plus récentes est un essai contrôlé randomisé de Saunders et al. (2019) réalisé sur 28 cyclistes femmes ayant au moins un an d’expérience. Les participantes ont été assignées aléatoirement à une condition placebo ouvert et à une condition contrôle, de manière à ce que chacune ait été exposée aux deux conditions à différents moments. En moyenne, le placebo ouvert a entraîné une amélioration de 0,7 seconde lors des tests de vitesse sur 1 km par rapport à la condition contrôle, sans différence notable pour les autres mesures (RPE, fréquence cardiaque et taux de lactate sanguin) (17). En revanche, toutes les participantes n’ont pas bénéficié du placebo ouvert ; certaines ont même connu une diminution de leur performance. Ces résultats pourraient s’expliquer, au moins en partie, par les attentes et les croyances selon lesquelles le placebo ouvert pourrait entraîner des améliorations, comme cela a été suggéré aux participantes avant le début des protocoles expérimentaux.

Pour répondre à la question posée initialement, il est encore trop tôt pour affirmer que l’effet placebo subsiste lorsque l’on sait qu’il s’agit d’un placebo, même si certaines données semblent indiquer que oui. Le type d’intervention, la substance ingérée, les croyances, les attentes ou encore la motivation pourraient être responsables de ce phénomène (14).

Conclusion

Il est raisonnable de penser que les effets contextuels sont responsables d’une part non négligeable des effets globaux obtenus dans nos pratiques de coaching. Cela incite à une plus grande prudence quant à notre réel impact sur les résultats d’une intervention. Comme nous l’avons vu, faire appel à l’effet placebo dès lors qu’il est susceptible de produire des effets positifs n’est pas toujours souhaitable, mais on ne peut pas non plus ignorer son existence compte tenu de la littérature scientifique. D’autres aspects doivent être évalués, comme les questions éthiques, la possibilité de négliger des interventions plus efficaces, ou celle de créer des effets nocebo à plus long terme.

Lorsqu’on souhaite maximiser l’effet placebo pour un athlète, il peut être intéressant de raisonner en termes de rapport coût-bénéfice ou bénéfice-risque. Les bénéfices obtenus justifient-ils les coûts associés (en temps, argent, etc.) ? Et les risques que notre athlète développe des croyances limitantes sont-ils plus importants que les bénéfices ? Cette analyse doit être effectuée en collaboration avec le principal intéressé, en fonction de critères de décision déterminés ensemble.

Références

  1. Miller FG, Colloca L, Kaptchuk TJ. The placebo effect: illness and interpersonal healing. Perspect Biol Med. (2009).
  2. Wager TD, Atlas LY. The neuroscience of placebo effects: connecting context, learning and health. Nat Rev Neurosci. (2015).
  3. Testa M, Rossettini G. Enhance placebo, avoid nocebo: How contextual factors affect physiotherapy outcomes. Manual therapy (2016).
  4. Rossettini G, Carlino E, Testa M. Clinical relevance of contextual factors as triggers of placebo and nocebo effects in musculoskeletal pain. BMC Musculoskeletal Disorders (2018).
  5. Bérdi M, Köteles F, Hevesi K, Bárdos G, Szabo A. Elite athletes’ attitudes towards the use of placebo-induced performance enhancement in sports. Eur J Sport Sci. (2015).
  6. Hurst P, Schipof-Godart L, Szabo A, et al. The Placebo and Nocebo effect on sports performance: A systematic review. Eur J Sport Sci. (2020).
  7. Southward K, Rutherfurd-Markwick KJ, Ali A. The Effect of Acute Caffeine Ingestion on Endurance Performance: A Systematic Review and Meta-Analysis [published correction appears in Sports Med. 2018]. Sports Medicine (2018).
  8. Lindberg K, Bjørnsen T, Vårvik FT, et al. The effects of being told you are in the intervention group on training results: a pilot study. Sci Rep. (2023).
  9. Maganaris CN, Collins D, Sharp M. Expectancy Effects and Strength Training: Do Steroids Make a Difference?. The Sport Psychologist (2000).
  10. Ross R, Gray CM, Gill JM. Effects of an Injected Placebo on Endurance Running Performance. Med Sci Sports Exerc. (2015).
  11. Ariel, Gideon B and WA Saville. Anabolic steroids: the physiological effects of placebos. Medicine and science in sports (1972).
  12. Shabir A, Hooton A, Tallis J, F Higgins M. The Influence of Caffeine Expectancies on Sport, Exercise, and Cognitive Performance. Nutrients (2018).
  13. Valero F, González-Mohíno F, Salinero JJ. Belief That Caffeine Ingestion Improves Performance in a 6-Minute Time Trial Test without Affecting Pacing Strategy. Nutrients (2024).
  14. Beedie CJ, Foad AJ. The placebo effect in sports performance: a brief review. Sports Medicine (2009).
  15. Wechsler ME, Kelley JM, Boyd IO, et al. Active albuterol or placebo, sham acupuncture, or no intervention in asthma. N Engl J Med. (2011).
  16. Kaptchuk TJ, Friedlander E, Kelley JM, et al. Placebos without deception: a randomized controlled trial in irritable bowel syndrome. PLoS One (2010).
  17. Saunders B, Saito T, Klosterhoff R, et al. “I put it in my head that the supplement would help me”: Open-placebo improves exercise performance in female cyclists. PLoS One (2019).

À propos de l’auteur

David Lourenco

David Lourenco

David est un pratiquant de force athlétique ayant débuté avec la musculation en 2013. Il s’intéresse aux sports de force dès 2015 en parallèle de son passage en STAPS à l’Université de Corte – Pasquale Paoli et se consacre à la force athlétique depuis 2017. Il a participé à différentes compétitions dont les championnats de France Junior en 2019.

Si vous avez une question concernant notre article, n’hésitez pas à nous en faire part via notre formulaire de contact.

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David Lourenco

David Lourenco

David est un pratiquant de force athlétique ayant débuté avec la musculation en 2013. Il s’intéresse aux sports de force dès 2015 en parallèle de son passage en STAPS à l’Université de Corte – Pasquale Paoli et se consacre à la force athlétique depuis 2017. Il a participé à différentes compétitions dont les championnats de France Junior en 2019.

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