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L’automédication en force athlétique

Environ 1500 mots - Temps de lecture estimé : 8 minutes.

L’automédication dans le sport est une pratique qui soulève de nombreuses problématiques. La force athlétique, étant une discipline physiquement exigeante nécessitant un haut niveau de performance, peut conduire certains athlètes à recourir à l’automédication de manière régulière afin de gérer la douleur, améliorer leurs capacités physiques ou accélérer la récupération. Cependant, l’utilisation de médicaments sans supervision médicale comporte des risques pour la santé et peut affecter la carrière sportive des athlètes.

Points clés

▪ L’automédication comporte des risques pour la santé de l’athlète. L’utilisation inappropriée de certaines molécules peut conduire à des effets secondaires importants. Cela peut masquer la symptomatologie sans traiter la cause sous-jacente, potentiellement aggravant la pathologie de l’athlète et entraînant parfois des addictions.

▪ Les sportifs sont responsables des substances qu’ils consomment. Pourtant, une étude révèle que de nombreux sportifs de haut niveau méconnaissent les substances interdites par l’Agence mondiale antidopage.

▪ Les athlètes se doivent de connaître et de surveiller les listes de substances interdites émises par les autorités antidopage sur leurs sites officiels. Ils doivent être vigilants quant à leur prise médicamenteuse et rester informés des mises à jour annuelles de ces listes pour éviter toute infraction involontaire.

▪ Afin d’optimiser la performance tout en préservant leur santé, les athlètes devraient privilégier un entraînement adapté, une nutrition appropriée et un suivi médical régulier. L’automédication ne devrait jamais être considérée comme une solution viable pour atteindre des objectifs sportifs à long terme, au vu des risques encourus.

L'attrait de l'automédication dans le sport

Du côté sportif, la force athlétique est une discipline exigeante qui met à l’épreuve à la fois la force et la technique de l’individu. Les athlètes s’efforcent d’atteindre le niveau de performance le plus élevé possible, tout en respectant des règles strictes et des normes de compétition. Dans la quête de performance optimale, l’athlète peut être tenté de recourir à l’automédication, et cela de manière régulière. Cela peut inclure l’utilisation, entre autres, d’antalgiques et d’anti-inflammatoires afin d’atténuer la douleur associée à l’entraînement et/ou aux blessures, leur permettant ainsi de continuer à s’entraîner malgré les inconforts physiques.

L’automédication s’inscrit dans un comportement général de soins qu’une personne se prodigue elle-même (ou à ses proches) sans prendre l’avis d’un professionnel de la santé. On peut distinguer deux catégories de médicaments. Les premiers sont délivrés uniquement sur ordonnance. Les seconds sont définis par défaut comme ne répondant à aucun des critères des médicaments sur prescription. Ils peuvent être obtenus sans ordonnance. Ils sont conçus pour être utilisés en dehors d’un avis médical et leur mise sur le marché répond à un cahier des charges précis qui rend leur usage sûr dans les conditions d’utilisation indiquées (1).

Les substances principalement utilisées sont les médicaments à prescription facultative, mais aussi des médicaments anciennement prescrits, mais non consommés en totalité. Parmi les médicaments disponibles sans ordonnance, les plus sollicités par les athlètes pour atténuer la douleur ou gérer les inflammations sont :

  • le paracétamol : un analgésique et antipyrétique utilisé pour soulager la douleur légère à modérée et réduire la fièvre.
  • l’ibuprofène : un anti-inflammatoire non stéroïdien (AINS) utilisé pour soulager la douleur et réduire l’inflammation.
  • l’aspirine : un autre AINS utilisé pour soulager la douleur, réduire l’inflammation et diminuer la fièvre. De nos jours, il est utilisé principalement pour son effet antiagrégant.

Ces médicaments sont principalement utilisés en per-os (voie orale) ou sous forme de crèmes et gels (comme l’ibuprofène ou le diclofénac).

La littérature scientifique est relativement maigre sur le thème de l’automédication du sportif. Elle ne renseigne pas ou peu sur son taux de prévalence général ni sur la nature des médicaments utilisés ou des problèmes de santé « traités », ou encore sur les dangers de cet usage. Les quelques études disponibles suggèrent que les adolescents sportifs utilisent de leur propre chef et parfois abusent des antalgiques ou des anti-inflammatoires pour lutter contre la douleur afin de poursuivre leur pratique. Dans la plupart des cas, ils méconnaissent les dangers pour la santé liés à ces consommations (2).

Néanmoins, il existe quelques arguments en faveur de comportements différenciés entre sportifs et non sportifs. Une étude rapporte que la proportion de jeunes sportifs prenant du paracétamol était cinq fois plus élevée que chez leurs pairs non pratiquants (3). On observe également des différences en fonction du niveau de pratique. Par exemple, des athlètes de haut niveau interrogés dans une étude britannique recouraient moins souvent à l’automédication que ceux d’un niveau moindre. Les élites étaient plus attentives à ne pas prendre de médicaments contenant des stimulants figurant sur la liste des substances prohibées (4).

Les risques associés à l'automédication

L’automédication comporte deux axes problématiques : premièrement, celui de la santé de l’athlète. La cause de la douleur doit être clairement identifiée par l’athlète, ce qui nécessite une connaissance non seulement des symptômes, mais aussi des critères qui permettront d’affirmer le caractère bénin ou non. De plus, des effets indésirables liés à la prise du médicament peuvent survenir pour de multiples raisons : inadéquation du médicament au problème de santé, posologie inappropriée, durée de prise trop longue, non-respect de la voie d’administration ou des contre-indications, non-prise en compte d’un principe actif déjà présent dans un autre médicament entraînant des interactions (risque de sous ou surdosage).

Par exemple, l’automédication avec des AINS peut présenter des risques pour la santé. L’utilisation excessive ou prolongée de ces médicaments peut entraîner des effets secondaires gastro-intestinaux, tels que des ulcères d’estomac, des saignements et des dommages au foie et aux reins. L’utilisation excessive du paracétamol présente également des risques, principalement une atteinte hépatique parfois irréversible (5).

Ainsi, la prise d’antalgiques peut masquer la douleur sans traiter la cause sous-jacente, ce qui peut aggraver les blessures ou les problèmes de santé de l’athlète. Il ne faut pas oublier le caractère addictif de certains de ces médicaments, comme observé chez les morphiniques, par exemple, même dans le cas d’individus sportifs (6).

Les devoirs du sportif

Le sportif est responsable des médicaments ou substances qu’il ingère. S’il est contrôlé avec une substance interdite dans ses échantillons de sang ou d’urine et/ou utilise une des méthodes figurant sur la liste, il sera sanctionné. Par exemple, toutes les spécialités médicamenteuses disponibles sans ordonnance, combinant paracétamol ou AINS avec de la pseudoéphédrine (Dolirhume, Nurofen Rhume, etc.), entraîneront un résultat positif. En effet, la pseudoéphédrine est classée comme « S6.b Stimulants spécifiés » et est donc prohibée en compétition.

Figure 1. Connaissance des participants quant au statut des substances sélectionnées par rapport à la liste des substances prohibées. Figure adaptée de Mottram et al. (7).

Une étude de 2008 portant sur des sportifs de haut niveau dans dix disciplines olympiques, provenant de différents pays, a pointé leur manque de connaissances dans ce domaine. Ils n’ont été capables d’identifier le statut des médicaments par rapport à la liste des substances interdites que dans seulement 35% des cas, comme illustré dans la figure 1 (7).

Un athlète réalisant des compétitions peut être testé pour détecter l’utilisation potentielle de substances ou méthodes interdites. De ce fait, via l’automédication, il encourt le risque d’un test antidopage positif. En effet, les produits de l’automédication sont susceptibles de contenir une ou plusieurs substances interdites, et les athlètes l’ignorent souvent, malgré un listing exhaustif par l’Agence Française de Lutte contre le Dopage (AFLD) se basant sur la liste des interdictions de la World Anti-Doping Agency (WADA).

Le sportif se doit donc, au minimum, de connaître l’existence de cette liste et de rester vigilant quant à sa prise médicamenteuse. Il doit se tenir à jour s’il y a des modifications, la liste étant mise à jour chaque année par l’AFLD et la WADA. Vous pouvez facilement vérifier la catégorie de votre médicament sur le site de l’AFLD.

Figure 2. Logo de l’Agence Mondiale Antidopage (World Anti-Doping Agency).

Alternatives à l'automédication pour la performance

Pour optimiser la performance des athlètes de force athlétique tout en préservant leur santé à long terme, dans un objectif de prévention, il est nécessaire d’adopter des approches alternatives plus sûres, comme :

  • Un programme d’entraînement bien conçu, supervisé par des individus compétents, peut maximiser les gains de force et de performance tout en minimisant les risques de blessures. L’accent est mis sur la progression graduelle, la technique appropriée et la récupération adéquate pour maintenir la santé physique.
  • Une alimentation équilibrée et adaptée aux besoins individuels des athlètes est cruciale pour soutenir la croissance musculaire, la récupération et l’énergie nécessaire à l’entraînement intensif. Une supplémentation spécifique peut également jouer un rôle important, si scientifiquement évaluée comme efficace.
  • Un suivi médical régulier et une supervision professionnelle sont essentiels pour garantir la santé et la sécurité des athlètes. Des professionnels de santé tels que les kinésithérapeutes, diététiciens, pharmaciens et médecins peuvent offrir des conseils personnalisés, surveiller les progrès et détecter tout problème de santé émergent. Leur rôle n’est pas exclusivement curatif, mais également préventif.

Conclusion

L’automédication, et plus précisément dans le cadre sportif, présente des risques pour la santé des athlètes et peut compromettre leur carrière sportive à long terme. Plutôt que de recourir à des médicaments de façon non supervisée, les athlètes devraient privilégier des approches plus sûres pour améliorer leur performance, telles que des programmes d’entraînement adaptés, une nutrition appropriée, et un suivi médical régulier par des professionnels de la santé.

En fin de compte, la santé et le bien-être des athlètes doivent rester la priorité absolue, et l’automédication ne devrait jamais être considérée comme une solution viable pour atteindre des objectifs sportifs à long terme, que ce soit dans la force athlétique ou tout autre sport de haut niveau.

Références

  1. Commission, E. U. E. La classification en matière de délivrance des médicaments à usage humain : Rapport de la Commission au Conseil sur l’application de la directive 96/26/CEE (1997).
  2. Feucht C, Patel DR. Analgesics and anti-inflammatory medications in sports : use and abuse. Pediatric Clinics of North America (2010).
  3. Garcin M, Mille-Hamard L, Billat V, Imbenotte M, Humbert L, Lhermitte Z. Use of acetaminophen in young subelite athletes. J Sports Med Phys Fitness (2005).
  4. Chester N, Reilly T, Mottram DR. Over-the-counter drug use amongst athletes and non-athletes. J Sports Med Phys Fitness (2003).
  5. Aminoshariae A, Khan A. Acetaminophen: old drug, new issues. Journal of Endodontics (2015).
  6. Marie-Claude Galland. Sports, dopage et addictions. Revue juridique de l’Océan Indien (2019).
  7. Mottram D, Chester N, Atkinson G, Goode D. Athletes’ knowledge and views on OTC medication. International Journal of Sports Medicine (2008).

À propos de l’auteur

Quentin Garcia

Quentin Garcia

Quentin est titulaire d’un Master en Développement Pharmacologique couplé à une spécialisation en Recherche Clinique, obtenu respectivement à l’Université de Grenoble et à Lyon. Il occupe actuellement le poste d'Attaché de Recherche Clinique en Santé au sein des Hospices Civils de Lyon. Parallèlement, il pratique la force athlétique depuis 2020.

Si vous avez une question concernant notre article, n’hésitez pas à nous en faire part via notre formulaire de contact.

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Quentin Garcia

Quentin Garcia

Quentin est titulaire d’un Master en Développement Pharmacologique couplé à une spécialisation en Recherche Clinique, obtenu respectivement à l’Université de Grenoble et à Lyon. Il occupe actuellement le poste d'Attaché de Recherche Clinique en Santé au sein des Hospices Civils de Lyon. Parallèlement, il pratique la force athlétique depuis 2020.

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